
Autrefois simple contrée façonnée par la nature, le Gâtinais devint, au fil des siècles, une province à l’identité marquée. Avant que la Révolution ne redessine la carte du royaume, il se partageait entre le Gâtinais français, dont la capitale était Nemours, et le Gâtinais orléanais, placé sous l’autorité de Montargis. À l’extrémité orientale de cette ancienne province, à proximité de l’ancien comté de Sens, l’actuel Gâtinais en Bourgogne s’étire entre les vallées de l’Yonne et du Loing, mêlant les traits distinctifs des terres qu’il borde.
Étymologie
L’origine du nom « Gâtinais » demeure sujette à plusieurs interprétations. Les documents médiévaux en bas latin mentionnent la région sous l’appellation pagus vastinensis, un terme dérivé de l’ancien français gast, signifiant « terrain inculte ». D’autres hypothèses s’appuient sur les différentes acceptions du mot latin vastus. Certains historiens y voient une allusion à l’étendue du territoire, qui se distinguait ainsi par son importance géographique, tandis que d’autres, au contraire, évoquent un « pays dévasté », ravagé par les invasions successives des Ve et VIe siècles, qui auraient marqué durablement le paysage et l’organisation du territoire.
Préhistoire
Le Paléolithique, débutant il y a 500 000 ans et s’achevant 7 000 ans avant notre ère, est marqué par une civilisation nomade vivant de chasse et de cueillette. Vers -40 000 ans, l’homme de Néandertal s’installe dans les vallées, notamment à Lorrez-le-Bocage, où il façonne des outils en silex. Il disparaît avec l’arrivée de Cro-Magnon, dont les campements révèlent un outillage plus sophistiqué.
Avec le Néolithique, les hommes se sédentarisent grâce à l’agriculture et à l’élevage. Vers 2 000 av. J.-C., la civilisation se développe, marquée par les premiers défrichements et les mégalithes. Plusieurs de ces monuments témoignent de cette présence sur le territoire :
- La Pierre Pointe, à Montacher-Villegardin, qui fut, jusqu’au Moyen Âge, une borne de délimitation entre différents fiefs ;
- La Pierre Aiguë, à Savigny-sur-Clairis ;
- Le Menhir des Rivaux, à Égriselles-le-Bocage.
Époque romaine
Pendant les périodes gauloise puis gallo-romaine, les habitants du Gâtinais font partie de la peuplade des Sénons, dont le territoire s’étend entre celui des Carnutes à l’ouest (Chartres) et celui des Tricasses à l’est (Troyes). Sous l’autorité romaine, les agglomérations se développent, laissant de nombreux vestiges, notamment :
- Un amphithéâtre à Sens, ainsi que des thermes, un forum et des mosaïques ;
- Les trois ponts romains de Chéroy, qui enjambent le Lunain ;
- Le Chemin de César, nom donné à la voie romaine qui reliait Sens à Orléans, et qu’on peut encore parcourir de nos jours ;
- Une ville romaine enfouie sous les cultures de Saint-Valérien, avec thermes, ateliers et sanctuaires, révélée par des fouilles archéologiques.
Époque médiévale
Au Moyen Âge, le Gâtinais se couvre de villages, d’églises et de châteaux. Dès le XIe siècle, la croissance démographique, favorisée par un climat plus clément, façonne des bourgs autour des villae carolingiennes, dont beaucoup conservent le préfixe « Ville- » (Villebougis, Villeneuve-la-Dondagre, Villeroy, Villethierry). La paroisse, avec son église et son curé, structure la vie sociale, tandis que la place du village, souvent devant l’église, devient un centre d’échanges et de décisions collectives.
Le rattachement du Gâtinais au royaume de France (1068)
Au XIe siècle, le Gâtinais, qui appartient à Foulques le Réchin, comte d’Anjou, attire les convoitises des seigneurs voisins. En 1068, Philippe Ier, malgré une position fragile face à ces grands féodaux, acquiert le comté du Gâtinais auprès du comte d’Anjou. S’ensuivent deux siècles de stabilité, favorisant le développement de l’agriculture et de l’économie rurale : le pagus vastinensis se couvre de cultures.
Au XIVᵉ siècle, le Gâtinais est durement frappé par la peste noire. Parallèlement, durant la guerre de Cent Ans, les combats contre les Anglais de Robert Knolles ravagent le territoire en de nombreux endroits.
« Je gagnais la loge de la Queue au bord de l’étang du seigneur de Villebéon, voyant chaque jour les œuvres dépravées et perverses de nos ennemis ; des maisons incendiées, beaucoup de gens tués dans les villages et les hameaux, gisant comme des bêtes abattues, le froid était alors vif. »
Récit des tribulations d’un religieux du diocèse de Sens pendant l’invasion anglaise de 1358
Hugues de Montgeron, prieur de Notre-Dame des Brûlés en la paroisse de Domats
La Renaissance et les guerres de Religion

Pendant que François Ier agrandit Fontainebleau, affirmant son goût pour la Renaissance italienne, le maréchal de Saint-André embellit Vallery en lui ajoutant une aile et de majestueuses galeries. Mais les guerres de Religion font une nouvelle fois du Gâtinais un champ de bataille. Enjeu stratégique, Vallery passe entre les mains catholiques et protestantes. En 1562, le maréchal de Saint-André, allié aux Guise, participe au massacre des huguenots à Sens avant de périr à la bataille de Dreux. Entre 1562 et 1580, 350 villages et hameaux de l’élection de Sens sont détruits. La paix ne reviendra qu’avec l’édit de Nantes en 1598.
Le XVIIe siècle et la Fronde
Au début du XVIIe siècle, la paix et un climat favorable assurent la prospérité du peuple. Mais chaque changement de souverain ranime les ambitions des Condé. Sous Louis XIII, Richelieu impose son autorité et prévient toute révolte.
En 1652, en pleine Fronde, Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé, fait de Vallery une base contre l’armée royale en Puisaye, replongeant le Gâtinais dans le chaos. Sa reddition marque la fin des troubles dans la région, épargnée des invasions jusqu’en 1814.
La Révolution
1789 : Nouvelle organisation administrative
La Révolution entraîne une refonte de l’administration. Avant la Révolution, des figures du Gâtinais comme Mirabeau ou Condorcet imaginaient un département réunissant le Sénonais, le Gâtinais et l’Orléanais. Mais Paris, soucieux de centralisation, privilégie un département dont le chef-lieu reste proche de la capitale.
Cette réforme provoque des tensions. La Seine-et-Marne convoite le canton de Chéroy, qui préfère être rattachée à l’Yonne. La rivalité entre communes s’exacerbe. Chéroy et Saint-Valérien se disputent leur rôle central, mais c’est Chéroy qui l’emporte en raison de sa taille plus importante. Cette nouvelle réorganisation met fin aux anciens chevauchements administratifs.
Le pouvoir local
Chaque commune est dirigée par un conseil municipal, élu au suffrage censitaire : seuls 10 % de la population ont le droit de vote. Un conseiller d’arrondissement, basé au chef-lieu de canton, veille aux affaires administratives et fiscales.
Le XIXe siècle
L’expansion (1815-1848)
La première moitié du XIXe siècle est marquée par une forte croissance démographique. En une génération, la population des villages augmente de plus de 50 %. Malgré cette évolution, la structure sociale reste similaire à celle de l’Ancien Régime. La paix, l’abolition des droits seigneuriaux et un climat stable favorisent le développement agricole et artisanal. Les chaumières sont peu à peu remplacées par des maisons en dur, couvertes de tuiles. Les carrières d’argile de Villebéon et Brannay annoncent l’essor des maisons en briques.
L’expansion démographique s’accompagne du développement de l’école, obligatoire dès 1836. L’église demeure un centre de vie, tandis que routes, marchés et foires se multiplient, dynamisant les échanges. Seule l’agriculture évolue peu : l’assolement triennal perdure et le matériel demeure rudimentaire.
La stabilisation (1850-1914)
À partir de 1850-1860, le développement industriel, notamment à Paris, entraîne un exode rural et une amélioration des conditions de vie à la campagne. Les grands travaux du Second Empire offrent des emplois aux plus démunis, tandis que l’agriculture se modernise, réduisant le besoin en main-d’œuvre. Cette modernisation renforce la prospérité de ceux qui restent. Une classe d’agriculteurs propriétaires se consolide.
Les villages se stabilisent : peu de nouvelles maisons, mais construction de mairies et de ponts dès 1860. Le chemin de fer, développé dès 1880, facilite le commerce des céréales, du bétail et des betteraves vers Montereau.
Le XXe siècle : le déclin et la reprise
1914, fin d’une époque
La Première Guerre mondiale marque durement le Gâtinais : de nombreuses fermes sont laissées à l’abandon, et les monuments aux morts témoignent des lourdes pertes humaines. Après 1919, l’exode rural s’intensifie, entraînant une concentration des exploitations et une augmentation de leur superficie. Cependant, malgré quelques progrès techniques qui permettent d’améliorer les rendements, l’agriculture reste fragile. Dans le même temps, des citadins commencent à acquérir d’anciennes fermes pour en faire des résidences secondaires.
La reprise
L’après-guerre transforme profondément l’agriculture : remembrement, mécanisation et sélection des semences améliorent les rendements, mais exigent des investissements et des exploitations plus vastes. De nombreux petits agriculteurs disparaissent ou se tournent vers des emplois complémentaires.
Dans le même temps, les villages reprennent vie. De nouveaux quartiers accueillent des citadins en quête de campagne, tandis que des usines s’implantent dans les bourgs. L’urbanisation progresse, parfois au détriment des terres agricoles, ce qui pousse les pouvoirs publics à réagir en instaurant des plans d’occupation des sols pour réguler l’expansion désordonnée et préserver l’environnement naturel.
Le SIVOM
À l’origine du Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple du Gâtinais en Bourgogne, on trouve un syndicat d’électrification, qui date du 29 juin 1923. À cette occasion, 23 communes se regroupent pour des travaux d’alimentation électrique, et cette association intercommunale prend en charge de plus en plus de missions : la distribution de l’eau potable, les transports scolaires, du collège et du gymnase, la gestion du centre de secours, celle des ordures ménagères, etc.
En 1985, les communes constituent une Charte Intercommunale de Développement du Gâtinais. C’est dans ce cadre que sont réalisés les principaux projets du territoire :
- L’aménagement des Zones d’Activités ;
- L’aide à la rénovation des commerces ;
- La restauration des Jardins de Vallery ;
- La création de l’École de Musique et de Danse ;
- Le Plan d’occupation des sols.
La Communauté de communes du Gâtinais en Bourgogne est créée le 9 juin 1997. Progressivement, le SIVOM assume de moins en moins de missions, qui sont reprises par la Communauté de communes. Désormais, le SIVOM ne gère plus que la distribution de l’eau potable et le gymnase de Saint-Valérien.
Pour aller plus loin
- Association pour l’Aménagement Harmonieux des Vallées de l’Orvanne et du Lunain, Promenade en Gâtinais, AHVOL, L’Arbre, 1998
- Abbé L.-Th. Berlin, Histoire de Chéroy, Le Glaive, 1987
- PLUi de la Communauté de Communes du Gâtinais en Bourgogne, ANNEXE 5 : histoire, architecture et patrimoine local